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Écrits de Marc Hodges
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31 décembre 2009

L'iroquois du Goodbar

Quand Michaelis arrive au Goodbar, qu’il gare sa voiture sur la glace tôlée et souillée du parking surplombant la rivière, le froid l’enserre comme une amante hystérique.

Le Goodbar est un bâtiment isolé, un hangar à bateaux désaffecté, semblable à une coque de cargo bariolée de couleurs criardes, retournée sur un champ de neige grisâtre au bord de la coulée de glace tourmentée du fleuve. Des pulsations rythmiques de basses donnent l’impression que le cœur du navire moribond persistait à battre. Quand Michaelis franchit la double porte capitonnée, il reçoit en plein crâne le coup de poing d’une musique rauque, sauvage, qui le met groggy… La grande salle est pleine, enfumée, surchauffée… Du plafond, des projecteurs mobiles brassent en tous sens l’air boueux de leurs faisceaux de lumières aux couleurs crues. Au centre, sur une estrade en S dont un côté se perd dans une des parois, dont l’autre se termine en bar, quatre travestis, slips à paillettes minuscules, dansent. Un peu partout des couples d’hommes, tenues très moulantes, s’enlacent. Forant son chemin dans leur masse compacte, Michaelis s’approche du bar. Il fait signe à un des barmen, jeune homme d’environ vingt-cinq ans, torse nu, cheveux très courts, maquillage agressif, portant en boucle, à l’oreille droite, une très longue plume rouge qui, dans ses balancements, lui caresse sans cesse l’aréole des seins. Pas facile de s’expliquer dans l’orgie de musique… Michaelis tend la photo de Kharamidov. Le barman, inclinant avec grâce la tête sur son épaule gauche, accompagne l’ouverture souple de ses mains d’une moue négative. Il va montrer la photo au second serveur, éphèbe iroquois, crête immense de cheveux verts tombant en queue dans le dos, multitude d’anneaux de couleurs ourlant les oreilles. Ils parlementent quelques secondes… L’Iroquois prend la photo. Faisant de la tête un signe d’acquiescement, il s’approche de Michaelis, hurle : “Oui, je connais !

Michaelis hurle aussi : “Quand l’avez-vous vu pour la dernière fois ?”

L’Iroquois, paume vers l’avant, agite sa main droite, fait signe de le suivre, se dirige vers une porte qui s’ouvre à l’extrémité du bar. Tous deux pénètrent dans un long couloir donnant sur de petites pièces sombres. Dans leur pénombre, des silhouettes confuses de groupes grouillants, haletants. Ils parviennent à une autre porte. Suivant l’Iroquois, Michaelis pénètre dans un bureau aux murs couverts de plusieurs couches d’affiches de spectacles de travestis. L’Iroquois ferme la porte capitonnée. Le son de la musique se fait lointain, presque résiduel.

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