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Écrits de Marc Hodges
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28 décembre 2009

Une promenade sur la plage en février

C’est une journée limpide de février, le soleil, encore bas sur l’horizon chauffe cependant suffisamment la terre pour que Wilfrid ait envie de se promener : il est parti en vélo vers un de ces soins de plage qu’il sait suffisamment loin de toute route carrossable pour espérer s’y retrouver seul — ou presque. La solitude le ressource. Dans le double face à face avec les profondeurs bleues de la mer et du ciel, il peut laisser ses pensées se dissoudre dans l’immédiateté impérieuse des sensations. Son corps est dans une bulle de chaleur solaire. Il est bien car il n’est rien d’autre qu’un corps pleinement vivant, un équilibre de peau, de muscles, d’os, de regards, de sons, d’impressions olfactives prenant enfin le pas sur le désordre, le chaos trop souvent prégnant de son cerveau. Il ne pense à rien, ferme les yeux, offre son visage au soleil, marche sur la plage, attentif seulement à la densité du sable sous ses pas, à la longue respiration paisible de la mer, à l’odeur d’algue et d’iode que porte son souffle: il avance sans horaire ni but.

Il remarque, à quelques centaines de mètres, une silhouette qui s’est allongée sur la sable, exposée au soleil. Un promeneur comme lui s’offrant le plus possible à la chaleur encore agréable du soleil. Wilfrid s’approche. Quelques dizaines de mètres, la silhouette n’a pas bougé. A voir ses vêtements (jeans bleu et tee shirt rouge) il semble que ce soit un homme. Il est allongé de tout son lot sur le sable à la limité du ressac, dos au soleil, bras en léger arrondi autour de sa tête : il dort ou feint de dormir. Wilfrid ne veut pas le déranger, respecter ce désir de solitude qu’il comprend si bien, le laisser à cette communion si rare avec la nature. Il reste à une cinquantaine de mètres, s’assied sur le sable, regarde longuement la mer jusqu’à une quasi hypnose puis s’allonge sur le dos, main sous la nuque en offrande au soleil, s’endort… Ne sait pas combien de temps il a dormi. Pas longtemps certainement car le soleil n’a pas encore entamé la part descendante de sa courbe. Il met du temps à s’éveiller, n’a pas envie de s’extraire de cet état cotonneux où il se sent à l’abri de tout, sans nécessité aucune de se dire qu’il a à faire quoi que ce soit pour vivre. Il se contente d’être. Tenant ses genoux dans ses mains, il s’assied dans une position presque fœtale. L’homme est toujours là, toujours dormant. Wilfrid pense qu’il n’a pas changé de position, qu’il est dans le confort absolu d’une immobilité totale, que son corps est en symbiose avec le soleil et la mer. Il ne peut s’empêcher de le regarder, le regarde longtemps, l’homme ne bouge pas. Le soleil descend lentement, ni Wilfrid ni l’homme ne bougent comme si chacun d’eux faisait maintenant partie de la plage. La chaleur solaire décroît. Wilfrid se lève, hésite, se demande s’il va se rapprocher de cet homme dont l’immobilité l’intrigue mais qu’il ne veut cependant pas déranger dans sa volonté de communion parfaite avec la nature. Il fait quelques pas vers lui. S’arrête. L’homme ne bouge pas. Le soleil s’approche de la mer. Wilfrid se dit qu’il lui faut partir, que dans une demi-heure, trois quart d’heures tout au plus, il fera nuit et froid. L’homme n’a pas bougé, le ressac s’approche de ses pieds mais il ne bouge pas. La pensée de la mort effleure Wilfrid, l’inquiète, l’effraie, il regarde l’homme, guette le moindre signe de vie. Et le paysage bascule, les bleus deviennent gris, des nuances violacées s’imposent sur la mer. Il est temps de partir, Wilfrid se dirige vers son vélo. Avant de quitter la plage, il se retourne : l’homme n’a toujours pas bougé, un semi-crépuscule éteint le paysage.

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