Un spectacle mystique
Le père Itif, aumônier
des scouts et scoutes, après en avoir chassé les enfants, monte alors en
chaire. Miraculeusement (car Dieu est un grand communicant qui sait intervenir
dans les grandes occasions ou lorsque le besoin s’en fait sentir), il obtient le
silence pour présenter son saint spectacle: «…l’église s’ouvre
désormais au monde moderne, elle a ses blogs, ses sites internet, ses
spectacles, son œcuménisme, elle aime tout le monde… il faut dépoussiérer
l’ancienne liturgie pour ramener plus de ferveur, d’authenticité dans nos
rapports quotidiens à Dieu, ne pas hésiter à lui envoyer des mails quotidiens,
prier sur les sites consacrés, se connecter à distance avec des âmes pures…
pourquoi ne pas accepter avec humilité les expériences d’autres races (pardon,
peuples, cultures, civilisations…), pourquoi ne pas essayer de retrouver la
fraîcheur et la spontanéité de nos frères noirs (pardon÷ de couleur), leur
naïveté même. Souvenez-vous: «Heureux les simples d’esprit car le
royaume des cieux leur est ouvert…». Aussi je vous demande d’assister,
non à un spectacle que vous accueilleriez en spectateurs détachés et critiques,
mais de participer avec ardeur à la messe, d’accepter la prière au plus profond
de vous, de faire corps avec le sacrifice du Christ, de communier dans la
ferveur la plus grande, de vous identifier au prêtre intercesseur…»
Toute l’assistance — ou
presque — se sentait pleine de bonne volonté, prête à tenter l’expérience
mystique. Ça se voit à la concentration attentive des visages. Les enfants
eux-mêmes ont pris conscience de la tentative et, encouragés par les claques
des pères et mères, cessent de se ronger les ongles, gratter l’anus, se curer
le nez, sucer leur pouce, mâchouiller des chewing-gum, brailler, renifler, se
moucher dans leurs doigts, se tripoter le sexe, tirer la langue à tout va, pincer
leurs voisins ou voisines, donner des coups de pieds dans les tibias les plus
proches, se rouler par terre…
L’artiste Jim Wollanssuccède
alors à l’aumônier et, encadré de deux splendides angelots dont la féminité du
sexe pas plus d’ailleurs que la nécessaire négritude mise en valeur par la
blancheur immaculée de la longue tunique ceinturée d’or qui les vêt, ne font
aucun doute, se présente à son tour en chaire. Dans le fond du chœur l’orchestre
attaque les premières notes.