Près du Chambonnet, 14 heures 20
Il s'agit
ici de faire son bonheur. Bréauté n'ignore pas qu'il ne pourrait quitter tout cela
et en même temps s'y ennuie. Une sombre force monte de la terre. Les longues
listes des monuments aux morts témoignent seules de la présence ancienne d'une
population dense. Il pense aux rares vautours fauves que l'on soigneusement, se demande si c'est vers
un avenir de conservation qu'il faut tendre. Le monde entier des formes s'use
et se renouvelle. L'éternité semble amoureuse des travaux du temps. Il est
difficile de vivre avec les hommes car il est difficile de garder le silence.
Comme les vivants il se nourrit des morts. Parfois, pour ne plus voir, il ferme
les yeux. "La beauté est la forme que l'amour donne aux choses." Un
nuage de passereaux virevolte. Il sait combien il est difficile de résister au
désespoir. Le ciel est absolument pur. Seules quelques ruines éparses et
rouillées rappellent l'ancienne présence de l'homme. Tout est dans un parfait
silence. Il réfléchit que les hommes ont abandonné les contrées où la vie était
dure car ils avaient besoin de chaleur.
Il n'y a personne. Devant lui le ciel caresse lentement le sol, derrière lui ciel et terre se fondent, il se sent soudain si fragile. Il ramasse quelques brindilles. Pas de surprise. Un oiseau dans l'air serait le bienvenu! Ici, le passé ne délimite pas la durée. Il y a en lui un désir d'amour qui parle le langage de l'amour. Il pense n'avoir jamais été empli de mouvements plus doux. Ce désert est habité de calme. Il respire à pleine poitrine comme quand on boit. Comment gagner ce fragile et absurde pari où chaque destin se joue sur celui des autres ? Les souvenirs l'envahissent comme des flammes. La plaine ne se termine qu'au ciel. Il parcourt l'immobilité. Il rêve que c'est le contraire d'un pays à idées fixes. La grandeur même évite la majesté. La terre est déserte. Il crispe les doigts.