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Écrits de Marc Hodges
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16 octobre 2009

Gilbert de Clérences et autres

Le camping a toujours connu des personnages pittoresques : le patron n’est pas regardant sur les identités et, même s’il devrait les vérifier, il ne s’en inquiète en fait pas. La seule chose qui l’intéresse c’est que ses clients paient d’avance. Et même si certains des personnages de passage lui paraissent suspects, il ne s’en préoccupe pas. Pourvu qu’ils ne créent pas de problèmes à l’intérieur du camping, il se moque de ce qu’ils peuvent faire à l’extérieur. Son portail est une frontière prolongée par la haute grille qui sépare le terrain du ruisseau nauséabond, de l’approche de l’autoroute et de la gare désaffectée. Pour le reste, il a ses deux molosses, deux mastiffs fous furieux parce qu’attachés la plupart du temps, aboyant avec rage dès qu’un étranger passe à distance de leurs vingt mètres de chaîne (longueur suffisante pour leur permettre de s’élancer sur l’intrus et de l’effrayer) mais obéissant à leur maître au doigt et à l’œil. Généralement le seul fait que le patron arrive en les tenant en laisse suffit à clamer les plus excités.

Généralement, le patron oublie le nom et ce qu’il sait de ses locataires dès que ceux-ci ont quitté son camping. Pourtant, pour des raisons mystérieuses, certains lui ont laissé quelques traits en mémoire. Ainsi un certain Gilbert de Clérences, nom prestigieux mais aristocrate fauché qui, l’an dernier, est resté chez lui un mois : la cinquantaine, assez bel homme, prétendant avoir travaillé dans la marine puis avoir vécu en Amérique du Sud, mais surtout un regard d’acier bleui, une lame qui vous transperçait chaque fois que ses yeux se dirigeaient vers vous, un homme dur dont tout geste indiquait l’intransigeance… Ou encore une prétendue Marion Xingjian : personnage romantique à la peau du ventre tatouée d'un chien jaune avec l'inscription "forgetfulness", un front bas, regard en-dessous, méfiant, sourire d'une femme sûre d'elle, de sa beauté, parvenue à ce point de son existence où ni passé ni avenir ne comptent vraiment, ne parvenant pas à considérer que les événements du monde présentent le moindre intérêt, séduite par la cathédrale de Maguelone au point d’aller parfois y passer, seule, des nuits entières.

 

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