José Morelos
José Morelos occupe une caravane proche de celle de
Wilfrid. Il est arrivé là un matin, très tôt, est allé voir je gras gérant du
camping municipal qui ouvrait son café-restaurant-tabac-épicerie, s’est
présenté comme José Morelos. A vrai dire le patron s’en foutait : il n’a jamais
demandé leur identité (encore moins leurs papiers) à n’importe lequel des
occupants plus ou moins temporaires de son camping. José, un homme grand,
carré, épaules larges, visage marqué des nombreuses rides que creuse la vie de
ceux qui ont vécu des vies variées et difficiles, n’avit sur lui qu’un jean, un
tee shirt délavé où pouvait se lire en lettres rouges sur fond vaguement blanc
les restes de la phrase « la vida es » comme une question posée au
monde entier. José commande un café au patron qui, à son habitude, grommelle
des mots incompréhensibles et le sert, semble-t-il, à contre-cœur. José prend
une des chaises que le patron vient d’installer sur la terrasse, s’installe à
une des tables qui accueille le soleil levant et sirote avec une extrême lenteur
sa tasse de café noir tout en ignorant les va-et-vient du patron que ce
personnage n’intéresse pas plus que les dizaines d’autres qui fréquentent
chaque jour son camping.
José reste ainsi environ, puis se lève, se dirige
vers le bar où le patron est en train d’essuyer méticuleusement des
verres : — Est-ce que vous auriez quelque chose à louer ? — Ça dépend
quoi. — N’importe quoi, je suis seul et pas très exigeant.
Le patron le regarde un peu plus attentivement, il a
l’habitude de ces espèces d’aventuriers qui vont et viennent, errent d’une
tente à un squatt, d’un squatt à la rue et se posent plus ou moins longuement
dans son camping. José lui paraît sympathiqe. Il a l’air fauché mais, dans son
camping c’est plutôt la règle et, pourvu que ses locations soient payées, il n’en
a rien à faire : — En ce moment j’ai bien une caravane… — Ok, ça me va… —
Je vous avertis elle est en assez mauvais état, elle a été abandonnée par un
groupe de roumains qui est parti sans prévenir et sans me payer. Je l’ai laissé
telle quelle et pratiquement jamais louée… — Ça m’ira très bien. Combien ?
Le patron réfléchit, il n’avait jamais vraiment pensé à lourde cette caravane
sale et en mauvais état, n’avait jamais essayé de la vendre parce qu’il savait
que c’était impossible… 100 Euros par mois, ça vous irait ? — Ça m’ira,
dit José. Il tire d’une des multiples poches de son sac un vieux portefeuille,
en tire un billet de cent euros, le donne au patron : — Vous pouvez me
montrer où est cette caravane ?