Utilité des réseaux
Blaise se souvient d’un
film vu il y a quelques années. Ce film racontait la vie de deux enfants vifs,
intelligents qui, parlant la même langue, se rencontrent un jour, par hasard,
sur une plage de vacances, deviennent amis. Ils se promettent de se revoir.
L’un est un petit européen venu prendre le soleil quelque part sur une île des
mers du sud; l’autre un autochtone. Le film montrait, sur quelques années,
leur évolution divergente. Le premier accède à toutes les possibilités
culturelles du réseau, participe à de multiples échanges, communique avec de
nombreux amis dans le monde, acquiert une culturelle universelle. Le second,
enfermé dans sa culture locale sans ouverture, sans réseau de relations, isolé,
ne peut même pas être joint par son ami… Si ce film avait un côté mélo un peu
naïf, il montrait bien comment, deux ans plus tard, leur seconde rencontre ne
pouvait, malgré une bonne volonté réciproque, qu’être un échec total.
À une autre échelle, c’était
ce qui s’était produit. Alors que les différences culturelles tendaient à se
fondre dans une communauté mondiale née du développement rapide du réseau, une
part importante de la population — coupée du réseau — tendait à s’enfermer
dans des cultures locales particulières ne communiquant presque plus. Ainsi,
aujourd’hui, le monde se compose de deux humanités: une humanité policée,
consciente d’appartenir à une communauté unique ; une humanité morcelée,
divisée, inorganisée dont les comportements régressent vers la “préhistoire”…
Il reprend :
“Alors que les crises économiques
successives des années 80 et 90, révélatrices d’un bouleversement profond des
structures mondiales du travail, avaient déjà commencé à créer des masses
d’exclus, tout nouveau pas vers une culture du “cyberspace”, loin d’assurer une
atténuation des divergences, accrut les divisions présentes, amenant peu à peu à
une séparation complète entre ce que l’on appela dès lors “intégrés” et “désintégrés”."