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Écrits de Marc Hodges
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30 mai 2009

De la poésie

Dérisoire dans sa volonté d'exhaustivité, ce projet me parut surtout très ambitieux : il excédait largement l'espace dont je disposais dans mes pages. Plus inquiétant encore, je percevais dans son ambition une attitude de tergiversation. Je ne pouvais avoir la certitude qu'il me répondrait réellement et commençais à me demander si sa réponse première n'avait pas été un peu hâtive ou circonstancielle : peut-on aujourd'hui, quand on n'est pas édité par une "grande" maison d'édition, refuser une offre de publication ? Au travers de ses minces écrits antérieurs, je l'estimais plus "transparent" : j'avais été sans méfiance. La pensée, même la plus fruste, toujours déborde l'observateur. Ma décision de publier sa première lettre m'entraînait vers un piège... Bien sûr, je n'ignorais pas  que ce piège n'était que très relatif, que je pouvais, à tout moment, décider d'en rester là. Pourtant, le fait qu'il montrait tant d'empressement à me répondre m'obligeait un peu et, à la fois, me provoquait. Mon pari initial portait le risque de l'inattendu seul à même de donner un intérêt quelconque à mon entreprise : j'aurais aimé publier autres choses que des amabilités plates, textes écrits pour d'autres occasions, placés là pour trouver un espace enfin public. Cependant, je n'avais que neuf mois pour mener mon projet à terme et cinq, déjà, étaient passés.

Je n'hésitai qu'un instant, et connaissant pour l'avoir très souvent supportée l'immense soif de reconnaissance des poètes, lui écrivis pour le stimuler davantage : "vous risquez de toujours remettre à plus tard..." Dans l'espoir que cette amabilité, que j'éprouvais d'ailleurs sincère, l'inciterait à se presser, je le flattai un peu. Je lui rappelai aussi les délais qui m'étaient impartis, et désirant qu'il se décide, m'envoie la première de ces lettres sur la poésie que promettait sa réponse, lui dis attendre "en toute impatience".


Comme prévu, la suite ne tarda pas.

Elle n'était pas celle que j'attendais :


Fontainebleau, le 28 janvier 1990
de la forêt.

Des lettres.

Pourquoi une telle insistance ? Qu'importe ce que je peux dire sur la poésie ? Est-il au monde quelqu'un qui s'en soucie ?

Quelle utilité voyez-vous à vous joindre à ce grouillement de revues toutes aussi vides les unes que les autres, illisibles dans leur plat conformisme coquet aux inconsistants modèles du moment ?

Des lettres dites-vous affirmant cependant que ce n'en sont pas, qu'en aucune façon elles ne peuvent manifester sincérité, crudité, verdeur, improvisation comme celles adressées à vos amis proches. Dans ce petit monde désuet de l'écriture intime rien ne se dit au risque de détruire le consensus assurant la survie d'un milieu fragile. Croyez-vous obtenir des larmes ou l'espèce d'auto-satisfaction affectée qui murmure de façon élégante le plaisir toujours renouvelé d'être de "ceux qui écrivent" ? Rien de ce Synésius dont la foi jetait un message d'avenir porté, entre autres raisons, par la nécessité de l'urgence. Mais, Synésius n'écrit plus guère ces derniers temps... Ne restent trop souvent que des écrivains d'une autre espèce dont toute l'urgence se résume à son apparence sociale, et ceux-là bien ridicules qui, n'ayant personnellement rien dans le ventre, étirent abusivement les textes, tantôt dans un sens, tantôt dans un autre, et finissent par en faire des sortes de monstres tout juste comparables aux démons à mufle de boeuf et aux esprits à queue de reptile de certains temples asiatiques.

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