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Écrits de Marc Hodges
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29 mai 2009

La Palière, 15 heures 25

Bréauté éprouve à la fois un étrange sentiment de malaise et d'inconfort, se souvient de ce qu'il n'a pu être. Il longe un champ de grandes orties vivaces occupant l'espace d'un ancien enclos à moutons, est porté en avant par ses souvenirs, ramené par eux en arrière… Depuis longtemps il n'a pas connu semblable calme. Il ne désire qu'être à sa place en paix avec lui-même, ne veut pas perdre totalement l'espoir. Que ce soit trop plein de soleil, pluie ou brouillard, l'espace se dilue dans l'espace. Si le monde était éternellement indifférent à notre présence, insensible à nos actes, ailleurs?… Les souvenirs l'envahissent comme des flammes. Il a toujours ici le sentiment d'une sécurité éternelle. Une horloge sans fin sonne en sa tête. Bréauté hésite entre plusieurs solutions. Il a peur qu'il arrive quelque chose… Mais que pourrait-il arriver? Dans son rêve, le temps devient futur. Au-delà, des lointains bleuâtres, l'air lumineux.

Senteurs. Il aime les mots lavés par la pluie, usés par le soleil. Les pierres méditent sous la lumière. Il n'ignore pas que c'est le contraire d'un pays à idées fixes. Tous ceux qu'il a aimé autrefois continuent à hanter ses rêves et à fortifier ce dont il se souvient. Il voudrait pouvoir décrire toutes les formes de ce monde. Le mystère sans parole de la nature et l'ombre silencieuse du passé sont entrés en lui. Il sait que ce lieu est cerné de hautes falaises qui le coupent du monde et le transforment en île. Apeurées, prêtes à fuir, les brebis lèvent un instant la tête à son passage. Dans les lointains tremblés de soleil du plateau, le sol est d'une grande pâleur, tous les tons exténués s'étalent ici à perte de vue. Il converse avec ses êtres intérieurs et avec ceux qu'il aime, les absents et les morts. Son bonheur se construit d'absences. Des rochers isolés découpent leurs hautes silhouettes dans la luminosité de l'air. Le sentier sinue, à l'ombre, entre deux pentes; des buissons de noisetiers, des sapins, le bordent. Un peu plus, un peu moins, c'est beaucoup, c'est même l'essentiel. Il essaie de ramener à la surface de sa mémoire une journée, un matin, une heure… Toute accusation avorte. Toute la lignée de ses ancêtres s'agite toujours en lui, insiste pour venir au jour, résiste à l'oubli de cette terre…

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