Conversation
Armelle et Wilfrid d’Eurymédon passent sur le pont. Ils voient le garde-champêtre qui, à coups de bâton, de procès-verbaux, de sifflet, s’efforce de rendre la fluidité habituelle à la circulation. Ils ne s’attardent pas outre mesure. Lorsqu’ils sont sur la route départementale 36, loin des dernières maisons blanches du village, d’Eurymédon, après avoir bien examiné autour d’eux s’il n’y a personne, abandonne leur conversation agonisante sur le temps et les vacances pour attaquer un sujet qui lui tient à cœur.
— Savez-vous, chère amie, dit Wilfrid d’Eurymédon à Armelle, que ce nfut point par hasard si, ce matin, je vous rencontrai à la porte de votre hôtel… — Ah ?… fait traîner Armelle craignant que Wilfrid ne soit amoureux d’elle. — Ce n’était point hasard, réptète d’Eurymédon d’un ton malicieux et qui se veut enjoué puis, devant l’attente muette d’Armelle, il ajoute : je vous ai vue cette nuit ! — C’est-à-dire ? demande Armelle qui feint de ne pas comprendre. — Vous même, Serge et Robert, dit d’Eurymédon. — Pas étonnant, répond Armelle naïve et inquiète, nous sommes rentrés assez tard. — Je vis aussi ce que vous fîtes… — Et que fîmes nous, questionne Armelle qui se veut moqueuse tout en espérant par son ironie minimiser la gravité de leur acte dont elle a pleinement conscience aux oreilles de Wilfrid. — Vous délivrâtes le cadavre canin et l’emportâtes, poursuit d’Eurymédon insensible à la raillerie et heureux d’impressionner Armelle par la pureté de son langage. — Alors, dit Armelle agressive, vous accpetez que lon martyrise ainsi ces pauvres bêtes ?… C’est inadmissible. Allez nous dénoncer si vous voulez ! — Rien de tel ne m’est venu à l’esprit car je répugne à ces basses pratiques, proteste Wilfrid surpris de l’attaque et au bord de l’indignation. Je voulais, bien au contraire, vous dire que j’apprécie à sa pleine valeur la noblesse de votre geste et que, si nécessaire, vous pouvez compter sur moi. — Vous êtes surper, s’écrie Armelle, il faut que je vous embrasse et sans lui laisser le temps de réagir, elle lui saute au cou et le baise bruyamment sur les deux joues.
Décidément, se dit d’Eurymédon songeant à sa bonne, les mœurs populaires ont parfois un certain charme. Il ne peut réprimer un sourire de satisfaction.