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Écrits de Marc Hodges
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27 janvier 2009

Combat de chiens

— IV —

Maguelone, dimanche 20/12/2015, 15:37:47


La journée est froide. Sous le soleil blafard, la Méditerranée est une immense nappe de fuel aux lentes ondulations huileuses. Les plages du Languedoc sont désertes. Entre la puanteur fétide des étangs et les embruns iodés de la mer toute proche, les ruines grises de l’antique cathédrale de Maguelone dressent leur silhouette.

Dans cette vieille basilique délabrée, dont la voûte crevée s’ouvre par endroits sur la grisaille désespérée du ciel, l’odeur est épouvantable: crasse, moisi, urines de chat mâle, merde, sueur, sang, vieux vomi, tabac froid, pourritures multiples, odeurs de chiens mouillés, fumées diverses se mêlent en un remugle indistinct et puissant qui frappe l’estomac comme un uppercut, donne à chacun une épouvantable impression de gueule de bois.

Il y a foule pourtant, bigarrée, multiple, mêlant les sexes, les âges, les races ; une foule excitée, bruyante mélangeant les insultes aux cris, les cris aux injures dans un vacarme assourdissant que chaque participant, luttant sans cesse, essaie de surpasser en hurlant plus fort encore que les autres. Mais là-dessus, ce sont les aboiements qui dominent, hurlements, grognements, jappements furieux de chiens qui, enfermés dans une espèce de piscine ovoïde, violemment éclairée, au centre de l’espace, à la place du chœur, se battent à mort. Quatre pitbulls enragés que, du bord de l’arène, leurs maîtres excitent sans cesse de leurs cris, se jettent l’un sur l’autre, essaient de se prendre à la gorge malgré les protections de colliers armés de pointes de fer, se mordent aux pattes, à l’échine, saisissent de leurs mâchoires puissantes toute partie du corps râblé de l’un quelconque de leurs adversaires qui passe à portée de crocs. Tous sont blessés, saignent plus ou moins, mais cela n’entrave en rien leur rage innée de combat. Tant qu’il leur reste une parcelle de force ils luttent à mort, emportés par une fureur sanguinaire.

Une bête noire, yeux injectés de sang, arrache d’un coup de dent un morceau de l’épaule d’un mastiff au pelage marron ras qu’un autre, un dogue, blanc sale, reflets rosés, mord à l’échine. Le quatrième, poil grisâtre strié de noir, en profite pour le mordre à la cuisse. La foule hurle, le maître de l’animal marron l’insulte. En vain. Les trois autres molosses s’acharnent contre lui, ne lui laissent plus de répit, et dans un chaos de corps musculeux, roulant sur le sable sanglant, s’efforcent de le déchiqueter. Mordu de toutes parts, le mastiff, ne trouve plus la force de se débattre. Ses derniers coups de crocs ne rencontrent que le vide. Sa gueule cherche à saisir de l’air, ses yeux minuscules se ferment. Mis hors de combat, il bave, jappe, gémit, agonise… Le chien noir, le premier, guidé par son maître, comprend qu’il doit changer de victime. Il renverse le dogue toujours occupé à achever son adversaire précédent. D’une mâchoire puissante, il serre ses crocs sur la poitrine de l’animal à terre, secoue violemment la tête de droite à gauche comme s’il voulait lui ouvrir le corps. Le chien gris, à son tour, abandonne le moribond, s’élance, essaie de saisir le noir à la cuisse. Celui-ci, crocs plantés dans la poitrine de son adversaire parvient à esquiver la charge. Le chien gris renonce à attaquer le noir, attrape à son tour le dogue blanc à la cuisse droite, lui arrache un morceau de chair saignante. Pourtant le chien blanc par des sursauts désespérés parvient à se libérer de l’étau qui lui martyrise la poitrine, surprend le gris, lui saute sur l’échine, l’immobilise un instant sur le sol. Le noir se joint à lui. Tous deux, un instant complices, se liguent contre le gris que tour à tour ils immobilisent, mordent de toutes parts, lui faisant perdre tant de sang que bientôt ses forces l’abandonnent. Rampant douloureusement, il ne peut plus que se réfugier derrière le cadavre du mastiff où, les yeux fermés, tête abandonnée sur le sable, langue pendante, il halète avec peine.

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