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Écrits de Marc Hodges
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3 décembre 2008

Un inquiétant bain nocturne

Je dois dire que j’étais alors plutôt d’accord avec Peter Peterson. Cependant une espèce bizarre de pudeur m’empêche de le lui dire : il aurait pu voir dans mon approbation quelque chose comme de la flagornerie ce que je ne voulais à aucun prix. Je me contentais donc de lui dire qu’il était bien sévère ou puriste, je ne me souviens plus…

Peter Peterson ne répond rien à ma remarque. Pour lui la discussion est close. Il regarde la mer, la plage en contrebas, dit simplement : — la beauté de cette mer m’attire, j’ai envie d’aller me baigner, est-ce que ça vous tente ? Il est plus d’une heure du matin mais j’ai envie de faire plus ample connaissance car il y a en cet homme quelque chose comme une distance au monde, une aisance, une désinvolture qui m’enchante, je suis plutôt habitué à fréquenter des êtres, incapables de se laisser ballotter dans le flux du temps, qui veulent mordre dans leur temps à belles dents et pour lesquels chaque seconde est un challenge qu’il leur faut remporter. J’ai hésité quelques secondes et Peter Peterson, sans se retourner ni se soucier de moi davantage, s’avance déjà vers les escalier de bois qui descendent de la falaise vers la plage. — Attendez-moi, je viens avec vous ! Il marque un très bref arrêt pour que je le rejoigne et nous descendons dans l’obscurité claire de la plage. Il quitte ses vêtements, nu, s’élance vers la frange écumeuse de la mer dans laquelle il plonge sans hésiter une seconde. Je ne le vois plus, ne l’entend plus. Je m’avance vers l’écume blanche qui souligne le son des vagues, je  me déshabille, conserve mon slip… Je n’ai jamais aimé entrer brutalement dans l’eau car je redoute le choc thermique sur ma peau aussi j’entre lentement dans la mer laissant sa température plutôt douce s’accorder à la mienne. Je ne vois toujours pas Peter Peterson et le bruit régulier des vagues m’interdit d’entendre ceux de sa natation. Je commence à nager, amusé par les phosphorescences que mes mouvements provoquent dans une eau d’encre. Je fais ainsi quelques dizaines de mètres mais la perte presque absolue de repères commence à m’effrayer, je cherche des yeux la falaise, repère les lumières de la boîte de nuit, sa musique, reviens en nageant vers la plage, sort de l’eau. Peter Peterson n’est toujours pas revenu. Je l’appelle sans recevoir de réponse, me dis qu’il doit être un très bon nageur et qu’il ne va pas tarder à revenir, je me laisse sécher par le léger vent doux qui vient de la terre, m’assied sur le sable, regarde ma montre, attends. Un quart d’heure et toujours personne, je sens monter en moi une légère inquiétude, me dis que je ne rêve pas, que ses vêtements sont bien là et qu’il na va pas tarder à revenir, me demande jusqu’à quand je vais attendre et que faire s’il n’est pas revenu quand je déciderai de quitter la plage, aller chercher du secours ? Mais quand ? Quand sera-t-il évident qu’il est en danger ? Une demi-heure passe dont, me sentant sans raison vaguement coupable, je compte toutes les minutes : je me décide à partir, remonter à la taverne, aller dire au Norpois ce qui s’est passé.

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