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Écrits de Marc Hodges
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22 septembre 2008

La mise en mots

Rien n'est plus hargneux qu'un homme généralement aimable qui se laisse aller. Que faire de ce fatras ? Espérant que les autres lettres promises, dans la reconstitution de leur ordre annoncé, apporteraient une certaine cohérence, je décidai d'attendre et ne répondis plus. J'avais la certitude que mon silence mettrait fin aux envois.

Un mois passa ainsi. Lorsque quelques remords passagers me venaient, je me persuadais qu'il n'y avait pas d'autre attitude possible: je ne pouvais, sans renier totalement la responsabilité que me donnait ma position vis à vis de mes abonnés et lecteurs, publier n'importe quoi ni n'importe comment. Le sérieux engage: qu'y a t-il de plus important que la littérature, refuge à l'honneur de l'intelligence ?


Fontainebleau, le 8 mars 1990
des bords de Seine.


De l'émotion.

Une note de musique, un paysage, un mot pris au vol, un regard, un visage, une couleur de l'air, un rien... Rien de dicible, de saisissable... L'émotion... Rien !

Mais le besoin de texte est là: la mise en mots.

Le besoin de mots, irrépressible: bouffée brutale de chaleur, montée de langage cherchant feuille, crayon, stylo, tout support même le plus inattendu — ticket de métro, reçu de parking, rond à chopes de bière, note de secrétaire, facture de garagiste, feuille d'impots…— où, comme un quelconque besoin physiologique, une envie, se déverser, vider ce trop plein qui oppresse, passer enfin à autre chose: la vie normale où l'émotion n'a ni place ni prise. Faute de mieux, réintégrer la vie où pourtant l'on se perd, rester performant, efficace, actif, sociable, aimable, amant... Si par hasard, ou par miracle, les mots disparaissaient, nous serions plongés dans une angoisse et une hébétude intolérables. En baptisant les choses et les événements, nous éludons l'inéluctable. Le poète n'est qu'un odieux transfuge du réel.

Que me faites-vous dire, vers quoi m'entraînez-vous? Trop sollicités les sentiments s'usent, se dégradent. L'émotion est origine et aboutissement, alpha et oméga... Disant cela, je ferme les yeux, me bouche les oreilles à ces voix qui ricanent "Judas au petits pieds..." Car c'est bien une sorte de reniement? La poésie est dans les mots et n'est que par les mots... Mais par ces mots qui, comme par miracle produisent l'accalmie. Elle délivre et à la fois enferme, tranquillité parfaite de l'oeil du cyclone. L'émotion comme, symboliquement, le trace l'orthographe se nourrit des mots qu'elle nourrit... nourriture et ventre, matière et tripe...

Mais je ne peux rien renier: pourquoi, oublieux lecteur, faudrait-il que j'en parle encore ?..

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