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Écrits de Marc Hodges
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12 mai 2008

Mises à mort et à prix

Armelle ne dit rien, elle écoute, regarde les consommateurs comme si elle redoutait qu’il se passe quelque chose. Sege avale une autre gorgée de cidre. Son bol est maintenant vide, il fait signe à la serveuse qui, souriante, le lui remplit. Il dit : — Ensuite… si on ne trouve pas le coupable, on exécute un otage. — Un otage, s’écrient Armelle et Robert… Ce n’est pas possible ajoute Armelle… Tu te moques de nous renchérit Robert… — Pourtant c’est ce qui se passe, dit Serge, on prend un otage et on l’exécute !

Sur la place Aristide Briand, travail terminé, la fille publique regagne son emplacement : 13 heures 30, les employés municipaux remontent l’estrade, les enchères vont reprendre, l’argent roi va encore être le maître maquereau. Il est vrai qu’il n’y a qu’un jour de marché par semaine et, même si son métier est fatigant, il faut bien vivre, travailler plus pour gagner plus (pourtant il fut un temps où en travaillant moins elle gagnait bien davantage) et ce jour-là, elle gagne souvent davantage que les autres jours de la semaine, ceux où elle pratique un prix unique avec réduction aux groupes, aux seniors, aux mineurs,  aux étudiants, aux familles nombreuses, aux enseignants et aux mutilés de guerre (tarif variable et dégressif suivant les mutilations et les médailles, le tarif le plus bas étant réservé aux cul-de-jatte ayant la médaille militaire… mais dans ce cas, il est tellement dérisoire qu’elle considère faire œuvre sociale)… Il faut bien se constituer une clientèle. Rares, hélas — car ce sont les mieux faits, les plus complets et les plus vigoureux — sont ceux qui n’appartiennent ni à l’un ni à l’autre de ces groupes mais, c’est la loi, elle ne peut refuser personne et ses tarifs sont fixés par le Ministère des Affaires Sociales.

Zabre va dans la chambre d’Armelle, elle n’y est pas. Il interroge la caissière de l’hôtel, elle lui dit qu’elle l’a vu sortir. Il s’installe dans un des minables fauteuils du salon (un Voltaire bancal revêtu d’un mauvais velours rouge rapé en différents endroits), attend qu’elle revienne pour l’emmener déjeuner. Il se demande s’il n’aurait pas dû interroger les astres ; pour la première fois de sa vie consciente, il n’a pas osé… Il achète une carte postale, écrit à sa femme : Mon gros amour, je suis à Huelgoat pour affaires. Si je reviens, je t’expliquerai. En attendant, ne trompe pas les enfants. Poutous, signé Ugolin ». Il la timbre, sort la déposer dans la boîte aux lettres. Il espère vaguement qu’Armelle va revenir.

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