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Écrits de Marc Hodges
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18 mars 2008

Exécution (Récit de Claude Norpois, suite)

Le geste du soldat est vif, brutal au point que seul son râle annonce le coup. La lame tourne lentement, éventre l’homme qui grimace et se tord de douleur; sans hâte elle tranche la chair, taille, écarte une large plaie rouge, luisante, fouille avec une certaine volupté le ventre, ouvre sensuellement le corps qui se noue, se tord, se roule dans l’impossibilité absolue de fuir sa souffrance. Puis, violente, une main plonge dans la plaie faisant jaillir un profond hurlement, déclanchant les rires grossiers de l’assistance, les gémissements et les pleurs des autres prisonniers. La main ressort alors du corps noué, arrache des viscère, déchire les entrailles: la foule des soldats se déchaîne, de partout fusent des cris, des insultes incitant le soldat à replonger sa main dans la viande saignante, à tirer les boyaux, saccager les tripes, faire une bouillie de l’intérieur hurlant du corps de la victime, masse rouge-bleue où la lame plonge à nouveau, taille, tranche, découpe, sabre avec une hâte de plus en plus grande, une excitation visible, évidente. Le soldat, drogué par les cris, les vociférations de joie, les sanglots étouffés, les lamentations, les huées, les geignements, les plaintes, les acclamations, les pleurs, jette vers le ciel la provocation de paquets mous de viande saignante qui s’écrasent ça et là sur le sol de la petite place du château de Bahours maintenant presque obscure. La victime ne se décide pas à mourir, elle geint doucement, sans force, incapable de crier, emmaillotée dans ses douleurs intolérables. Regards vitreux, bouche ouverte, corps écartelé sur le sol humide, elle respire avec peine; ses compagnons impuissants, apeurés, regardent mourir cet homme qui fut leur ami avec comme seule compassion l’invasion de la peur qui les fait se recroqueviller sur eux mêmes. Soudain, comme lassé du spectacle, chat fatigué de jouer avec le mulot qu’il a capturé, le soldat lève une dernière fois sa lame, égorge l’homme à terre le vidant du sang qui lui reste encore. Le silence se fait, la tension est énorme. Merle réapparaît alors: un signe et les autres prisonniers sont détachés… — Partez, dépêchez-vous, vous êtes libres… Demain, à la foire, vous raconterez ce que vous avez vu. Les habitants ont encore le temps de se convertir à la vraie foi.

Un des soudards dit à l’oreille du soldat le plus proche de lui : — Avec lui, j'attaquerais l'enfer, fût il plein de 50000 diables. Le capitaine Mathieu de Merle, baron de Lagorce, n’entend pas. il est déjà reparti vers d’autres taches. Les soudards chassent les paysans tétanisés par la peur, les obligent à repartir vers Mende puis, par petits groupes, vont se coucher dans les maisons du village conquis.

Bientôt, sur la place apaisée par la nuit, ne reste plus que la clarté vague du cadavre nu du prêtre.

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