Le sommeil

« Salamano, adorable trésor, veux-tu bien ne pas t’occuper de cette sale chienne ? »

Comme ça… Fallait lui parler comme ça, bouche pleine de sucre d’orge, sourire gâteux barrant le visage et ce salaud de clébard qui ne voulait rien comprendre, con comme pas un.

Salamano, ce salle cabot de la tante Mathilde, tirait sur sa laisse, pissait sur mes jambes, aboyait sans raison à tue–tête ce qui faisait aussitôt accourir ma tante affolée; il voulait renifler les sexe de tous les chiens, de toutes les chiennes qui traînaient dans les environs, sans distinction. Si encore j’avais pu le laisser s’accoupler, ça au moins, aurait été marrant. Surtout s’ils ne pouvaient pas se détacher et tirent désespérément chacun de leur côté. Mais rien à faire, ma tante s’y opposait farouchement, elle tenait à la santé morale de son clébard.

Le chien n’était pas tout. Pour gagner leurs bonnes grâces et les meubles que je convoitais, j’ai taillé des rosiers, épousseté des meubles, passé l’aspirateur, tenu des dizaines d’écheveaux de laine, admiré des centaines de timbre, écouté quantité d’histoires plus insipides les unes que les autres… Enfin, j’ai gagné. Maintenant, lorsque nous reviendrons chez eux, je pourrai me venger…

Les autres meubles de ma chambre, je les ai choisis avec autant de soins. J’en parlerai plus tard, les meubles ça va bien un moment et puis sept heures vient de sonner à l’horloge du couloir, toute la famille va se lever, faut que je me couche… Léa viendra sûrement passer la tête à ma porte, voir si je dors. Faut pas qu’elle me trouve en train de travailler. Ou ça l’inquièterait ou ça la rendrait méfiante. Je ne veux obtenir ni l’un ni l’autre effet. Faut pas que je m’éveille avant dix-onze heures pour avoir l’air vraiment fatigué. D’ailleurs je suis fatigué, je crève de sommeil. Comme ça, je vais somnoler toute la journée, ce sera excellent.