La Palière, 11 heures 23
Tout meurt, tout refleurit, le cycle de l'existence se poursuit éternellement, herbe rare et cassante, Buissons, pauvreté invincible… Bréauté respire. Il se souvient de son village. "C'est toujours compliqué et délicat de faire revenir les morts, de souhaiter leur retour, toujours ses pensées vont à leur rencontre… Un vieux chien noir-blanc le suit comme une ombre, seul son halètement rythme le temps. L'horizon merveilleux équilibre l'espace sur l'espace. Il reconnaît tout, se souvient de tout, sourit à tout avec une sorte d'affection lointaine. Il guette le ciel, l'horizon, accuse l'espace, respire, considère la pensée comme la zone neutre de l'âme. Il s'arrête, observe, songe, songe et chantonne. Il ramasse quelques brindilles.
Bréauté pense n'avoir jamais été empli de mouvements plus doux. Herbes : il sent. Un nuage d'images floues tourbillonne dans sa tête. Le monde le possède et c'est ce qui l'éprouve. Rien, l'agitation en lui-même, les minutes, les secondes, le vent. Il n'a jamais su trouver un sens précis à sa vie, erre d'une passion à l'autre, s'égare dans le fouillis de désirs temporaires: il avance, attend des jours de brouillard sur les jeunes souches. Il s'arrête pour regarder. Des voix autrefois connues semblent l'appeler de tous les points de l'horizon. La poussée de ses ancêtres soulève son esprit. Il n'avait jamais pensé que son existence pourrait ainsi s'emplir de rêves. Le spectacle ici évite les transformation. Il s'agit de tout vivre. Il va falloir quitter tout cela.
Le paysage est en arrêt pour l'éternité. Il n'y a plus ni avant ni après. Certaines choses lui sont plus nécessaires que d'autres… Toute la lignée de ses ancêtres s'agite toujours en lui, insiste pour venir au jour, résiste à l'oubli de cette terre… La plupart des événements sont indicibles. Bréauté voudrait que la folie soit sa seule sagesse.