Les Ballices, 15 heures 23
Bréauté sait que c'est bon de marcher ainsi, infiniment… Les instincts de l'humanité future sont déjà là qui demandent à être satisfaits. Il ferme les yeux, son cœur est triste jusqu'à la mort de nostalgie et d'anxiété, l'espace lui paraît soudain sensible, clair et liquide, comme une chose que l'on pourrait absorber, boire. Sans rêves, que pourrait-il comprendre du monde? Ce paysage est minéral…
Où trouver dans le passé des certitudes, des points fermes, un équilibre ou un appui? Bréauté échafaude des projets, dresse des plans, rêve. Des voix autrefois connues semblent l'appeler de tous les points de l'horizon. Il voit les paroles qui apprivoisent le cœur. Il n'est pas pressé. Son bonheur se construit d'absences.
Sous son aspect immuable et tranquille, le plateau porte la mort, la diffuse, l'épend sur toute chose. Bréauté se méfie du mot recueillement… Il n'y a personne. Vivre le saoule. Le temps semble lourd de fatigue. De petits nuages passent dans le ciel. Il est entouré d'ombres. La mélodie du jour est taciturne. Il va sans savoir où il va, plus sûr de ses pas que si une volonté lucide le menait. Que ce soit trop plein de soleil, pluie ou brouillard, l'espace se dilue dans l'espace. Il n'ignore pas que son itinéraire commence où la piste s'efface. Une grand-mère est soudain là qui le dévore depuis toujours de ses yeux si aimants. Une sombre force monte de la terre. Il est dans une sorte de station incompréhensible de l'esprit. Rien n'est fait pour attirer, sur les champs, la lumière prend librement sa vraie forme, dans la plus grande liberté du monde, elle fait voir ce qu'elle est.
Le paysage reste minéral.