La vérité

Et dans le livre que tu lis
Je vois que les mots sur la page
Sont le symbole de l’oubli

Louis Aragon, Le Fou d’Elsa

Comme tous les autres protagonistes de ce récit, lorsque le mardi 1 août 2009, à 13 heures 23, Ganançay découvre les premiers messages, il est déconcerté. Il est vrai qu’il l’est facilement… Il hésite un moment entre une plaisanterie de mauvais goût et cette vague inquiétude qui, comme après un repas trop lourd, laisse remonter en bouche les remugles de vieilles craintes mal digérées. Il n’est pas préparé à ça et, parce qu’il n’a pas souvenir d’actes répréhensibles, ne comprend pas pourquoi, dans ce monde, quelqu’un peut le détester à ce point. Benato est un personnage fragile qui a toujours fait en sorte d’être protégé le plus possible des aléas de l’existence : tout imprévu le déstabilise. Il ne sait que faire, n’ose pas en parler à son entourage pas plus qu’il n’a l’audace d’appeler la police. Pendant quelques jours il reste ainsi dans l’angoisse de l’expectative.

C’est ainsi qu’il faudra plusieurs jours, à la plupart des personnages concernés, pour s’apercevoir que chacun d’eux n’est pas l’unique destinataire des messages anonymes… Il leur faudra aussi quelques jours pour découvrir leur proximité géographique : ils comprendront alors que l’affaire est sérieuse.

Pour l’instant, en ce premier jour, chacun s’essaie à interpréter ce qu’il ne comprend pas et si, souvent, il y échoue c’est parce que nul ne sait vraiment sortir de ses schémas usuels de pensée. Tel est l’intérêt des épreuves que de se confronter à l’inattendu, l’impensé, d’apprendre à voir son univers trop familier sous un regard autre. Il n’est pas si facile de savoir traverser la transparence des signes pour construire une vérité plus profonde et, souvent, plus dérangeante.