Cul dans l'herbe

Assis près de la barre, en maître, il gouvernait : sans qu’un somme jamais tombât sur ses paupières, son œil fixait les Pleïades et le Bouvier, qui se couche si tard.
Odyssée, chant V.

Laval, mardi 14 mai 16 heures 30.

Après l’avoir invité à boire une bière au Café du Commerce, André Pagès avait laissé Yvré à la sortie de Laval sur la nationale 157. Ils s’étaient quittés bons amis, enchantés d’avoir tous deux fait connaissance — chose rare — d’une personne intelligente et sensible.

Usant du procédé qui lui avait si bien réussi à douze heures sept, Yvré traça, avec la même craie noire, sur le goudron de la route, un nouveau pentacle identique au premier, portant toujours les lettres A.M.S.G. qu’il traçait avec le plus grand soin et le plus grand respect. Alors qu’il écrivait le S, absorbé dans la délicatesse du tracé, il ne vit pas venir un véhicule qui le frôla klaxonnant bruyamment. De surprise, Yvré tomba à la renverse et se retrouva assis dans l’herbe humide au moment où passait un tracteur tractant une charrette de purin. Subjugué par le pentacle magique, le véhicule s’arrêta devant Yvré et, sous un chapeau de toile, un paysan aux traits burinés mais néanmoins sympathiques demanda à Yvré s’il avait besoin de quelque chose. Yvré se releva, mais, peu désireux de partager avec lui l’odeur qui l’entourait d’un halo presque visible, le remercia déclinant son offre.