Window ball (about)

Yvré reproduisit son signe magique dont la puissance effective se vérifia encore: le véhicule s’arrêta en grinçant de dépit. Un visage rond, rubicond, jovial, moustachu souleva la moitié de vitre:

- Je vais à Laval…
- Moi aussi.

La porte s’ouvrit, Yvré s’installa sur la banquette molle. La radio diffuse une musique douce crachouillante créant une atmosphère raffinée…

- Vous allez peut-être voir le match France-Auvergne de window ball s’enquit l’hôte prévenant… Peut-être êtes-vous amateur de window ball? Ça c’est du sport… Je ne sais si vous avez vu la poursuite Pétrouille-Agadir la semaine dernière sur la dernière chaîne? Extraordinaire, épique, faramineux, sublime, surabondant, superépoustouflant… pour tout dire: grandiose… Les mots manquent. Je fus en extase, j’allai presque jusqu’à la lévitation (n’eût été ma corpulence); jamais on n’avait vu ça… On ne reverra pas, j’en suis sûr. Plus jamais… Ah, monsieur, ma femme et moi nous nous sommes embrassés pour la première fois depuis dix ans. Un grand moment de l’Histoire.

Yvré est stupéfait de la culture de son hôte. Honteux d’être ignare en matière de window ball, il se tait, se laisse emporter par le lyrisme du conducteur et, comme lui, vibre des trépidations de la machine. L’humidité qui imprègne son pantalon le gêne bien un peu mais, somme tout, ce n’est qu’incident futile.

La radio cessa de diffuser de la musique, un jingle annonça qu’il était douze heures trente. Yvré regardait distraitement le ciel et, voyant le temps incertain, se dit qu’il faudrait arranger ça…