Tourisme… ou non.
Depuis le lever du jour nous avons parcouru une soixantaine de kilomètres : arrêt rapide aux gorges du Chassezac, regard sur le barrage de Villefort — sans descendre de voiture, il y en avait en effet déjà trois qui déversaient leurs gosses et leurs chiens sur le parking— traversée du village fortifié de Lagarde-Barrès… On peste contre les flamands qui retapent toutes les ruines et font monter les prix… On regrette l’adolescence quand on avait l’audace de venir à vélo, qu’on pouvait encore croire être seul à connaître tous ces lieux alors abandonnés. Faut le reconnaître, une première déception depuis qu’à seize ans on est parti — sans regrets pourtant — la Lozère a changé, on s’y sent presque étranger. Pourtant on est bien un enfant du pays, pas un touriste, tous ces lieux ont une signification intime d’enfance… On pensait que ça se verrait. Apparemment non, ça ne se voit pas, on est traité en étranger, sans plus ni moins d’égards. Chaque fois obligé, au creux de phrases banales d’une conversation touristique, de glisser qu’on est né là, ou là, qu’on connaît x ou y… On s’attend à une ouverture des visages, un sourire, un signe de connivence… Ça ne change rien, tout le monde s’en fout et c’est vexant, quand même… Il n’y a pas tant que ça d’enfants du pays qui réussissent, on aimerait un peu de curiosité, qu’on vous demande ce que vous êtes devenus, qu’en certains lieux on vous reconnaisse… Non… Ces lozériens sont des paysans… C’est comme si on portait sur sa figure la plaque d’immatriculation parisienne de sa voiture.