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Écrits de Marc Hodges
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16 août 2006

Pris dans un piège

Ganançay avait toujours tendance à ne croire au pire que quand celui-ci arrivait: il ne roula que quelques kilomètres. Bientôt, le faisceau des phares buta sur des blocs de rochers énormes. La piste était coupée. Ganançay sortit sous la pluie torrentielle, constata qu'il ne pouvait rien faire, examina les menaces de la montagne puis chercha un endroit plus ouvert à l'abri des éboulements. Toutes choses ne sont-elles pas si étroitement enchevêtrées, que chaque instant entraîne toutes les choses de l'avenir, et se détermine lui-même? Ses pensées s'emmêlaient dans un filet de confusion. Il gara son minibus. Il n'y avait vraiment plus rien à faire. Il était épuisé et la piste était trop dangereuse pour partir dans la nuit, la région trop peu sûre que se disputaient une armée officielle, celle d'un commandant rebelle, celle encore du NPA communiste et celle enfin du NDF, le nouveau front démocratique, mais armé. Ganançay se sentit envahir par un immense découragement. Tout ce qui se construit, tout ce qui se défait porte l'empreinte d'une fragilité immonde, comme si la matière était le fruit d'un scandale au sein du néant. Son corps semblait soudain vieilli, toute la fatigue de son aventure prenait consistance d'un bloc. Il se sentait redevenir faible, enfant, nourrisson. Il avait envie de bras tendres, de chaleur, de ventre, d'amour maternel. Vrillant sa poitrine, sa vieille douleur, lancinante, le reprenait. Il s'effondra sur le volant la tête entre les bras, sanglota, sans larmes, doucement, se parlant à lui-même à mi-voix comme pour se rassurer ou prendre à témoin le monde, de sa peine. Devant ses yeux, il n'y avait que l'obscurité, son univers était rempli de ténèbres. Finalement il s'assoupit, mais d'un sommeil très léger, se réveilla et s'allongea sur la banquette pensant: "il faut dormir". Il mit très longtemps à se rendormir, perdit conscience quelques minutes puis se réveilla à nouveau, se rendormit encore pour, sentant le véhicule trembler, s'éveiller aussitôt. Ce n'est pas une petite chose que de savoir dormir. Au cours de cette nuit, croyant toujours que le tremblement reprenait, ne pouvant décider si les vacillations du véhicule étaient dus à la terre, à ses propres mouvements, à la pluie ou au vent, il oscilla sans cesse entre sommeil et veille, sentant en permanence un poids terrible écraser son cerveau. Malgré sa fatigue, il connaissait la terreur de celui qui s'endort dans la peur, s'effrayant de la tête aux pieds quand le sol se dérobe et s'esquisse le cauchemar.

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