Préliminaires à une partie de chasse

Michel est reparti et on entend, venant de la salle de bain, un bruit de chaussures qu’on enfile…

«Tu viens ? » hurle Michel à l’adresse de Robert sur un ton pseudo-mélodramatique.

Robert semble s’éveiller, se frotte les yeux, la naissance du nez avec le pouce et l’index droit, soulève ses pieds de la table basse, écrase dans le cendrier sa cigarette qui dégage une fumée âcre car le filtre en a commencé à brûler, répond sans hâte:

«Ok, boy ! »

Il se lève.
Il décroche sa veste du haut du portemanteau de bois acheté la veille à la salle des ventes et que Michel veut laquer en blanc.
Michel surgit en trombe de la salle de bain, lui donne, au passage, une bourrade entre les épaules :

« Vamos con Dios ! »

Ils sortent.
Jardin, nuit. Nuit tiède d’été méditerranéen avec platane sombre et mécanique rouillée des cigales broyant sans se lasser la chaleur du temps. Plus haut, rupture noire du toit où, tout à l’heure, miaulera la chatte. Plus haut, profondeur pailletée d’un ciel sans nuages et Pascal: «le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie». Plus haut, conscience évidente des limites.
Portail, clef qui ferme, Michel et la portière ouverte de la 306 décapotée :

«Malborough s’en va-t-en guerre, mironton, mironton, mirontaine… »
«J’aimerais bien qu’elle y soit, dit soudain Michel qui cesse de fredonner. »
« Qui ? »
«La blondasse de l’autre soir.»
«Qui ? »
«La nana que j’avais commencé à émouvoir. Si elle est là ce soir, je me la paie…»

Éclair d’une lame de rasoir tranchant l’espace obscur. Fugitive, très fugitive vision confondue au faisceau des phares.

« Si ça marche j’ai besoin de la piaule cette nuit. »
« Ok, j’irai pieuter chez Jean-Claude… »
« Avec Jean-Claude ? »
« Ta gueule… »