Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Écrits de Marc Hodges
Écrits de Marc Hodges
Visiteurs
Depuis la création 98 711
Archives
20 juillet 2006

Pourquoi ces mots?

Il sent que son plaisir des mots peut le conduire au reniement. Il doit choisir un lieu: "Zermatt", "Zürich" ou "Sion", mais le choix concret lui importe peu. Pour l'unique plaisir du mot, il retient "Sion"… Il n'a que de merveilleux souvenirs de cette ville, de son carnaval. Partout la foule en liesse. Des flots de masques coulent dans les rues de la vieille ville. Peu de visages nus: la plupart se dissimulent sous les masques les plus variés. Un temps, tout est permis, un temps seulement et c'est ce temps qui compte pour l'année, et c'est ce temps de vie provisoire qui permet de contenir la vie quotidienne dans les murs gris des habitudes. Comme un ras de marée humain, la carnaval, soudain, fait éclater toutes les barricades des convenances : boisson et rythmes fous libèrent toutes les consciences même les plus fermées. L'esprit abdique toute raison, les corps feignent d'oublier leurs limites physiques. Le soleil brille, domine intensément une ville changée par sa propre folie. Tons colorés, chants hurlés, mouvements désordonnés de foule, les masques se provoquent et s'entraînent au long des rues gorgées de marchands. Foules: "Diane", "Esclaves" et "Muses" qui s'enchevêtrent, s'entretissent dans une folle sarabande bachique. Les rues, jonchées de confettis, sont envahies de multiples "Sorciers", de "Diane" s'éclaboussant de leurs poches d'eau, s'emprisonnant des fils colorés de plastique fluorescent que projettent leurs bombes, soufflant de leurs sarbacanes de carton de petites billes de papier mâché. Passent des groupes de visages blancs étrangement inexpressifs. Des fenêtres, quelques photographes mitraillent le spectacle. Juché sur un banc, un groupe de jeunes allemands s'efforce de participer à la fête. Des musiques plus sombres, plus nocturnes, plus funèbres les unes que les autres se disputent la suprématie des sons. Il sent que son amour des mots peut le mener jusqu'à l'absurde. Pourquoi "Diane"? Pourquoi ce mot plutôt qu'un autre? Il y a en effet quelques "Diane", il ne peut en être autrement, mais il y a aussi des "Fées" et des "Sorciers", pourquoi le nom "Diane" émerge-t-il ainsi de sa mémoire? "Diane"… S'avance le masque de "Diane". Masque parmi d'autres dont il ne sait pas vraiment pourquoi il l'a choisi? L'insolite d'une démarche? Quelque chose d'inattendu dans le moment?… Une impulsion quelconque?… Il ne sait pas pourquoi mais il est sûr que c'est vers lui que se dirige le masque, il en a l'intuition, comme une connaissance absolue, immédiate en dehors de tout raisonnement. Dans le visage figé de carton, derrière le trou des yeux, il perçoit un regard d'une étrange véhémence. Un grand chien doré renifle sans gêne les jambes des masques féminins. Il lui faut calculer… calculer encore… C'est une femme… Sans pouvoir déterminer pourquoi, il sait que c'est une femme, jeune. Une voluptueuse impression de malaise s'empare de lui.

Publicité
Commentaires
Publicité
Derniers commentaires
Publicité