Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Écrits de Marc Hodges
Écrits de Marc Hodges
Visiteurs
Depuis la création 98 712
Archives
12 juillet 2006

Panique à l'aéroport

Il héla un vélo-taxi: «To the Airport!» Son anglais était déplorable, sa prononciation auvergnate, il ne parlait pas plus le tagalog que l'ifugao ou le chinois... Mais ceux à qui il s'adressait ne parlaient guère mieux anglais que lui et, quoi qu'il puisse faire ou dire, tous le considéraient comme un diable américain.

Il fallut près d'une demi-heure pour faire quatre kilomètres. Partout des soldats surarmés, des véhicules militaires. Les patrouilles surveillaient la ville, faisaient la ronde jour et nuit. La route bourdonnait d'une nuée de touk-touks fumants, indisciplinés chassée à grands coups de klaxons rageurs. Tout en haut de gros nuages s'amoncelaient, se disloquaient, s'éloignaient lentement vers le nord. La pluie reprit, brutale, torrentielle, transformant la route en rivière. Quand ils parvinrent à l'aéroport, une foule agitée débordait du hall, tous hurlaient, se bousculaient, agitaient des papiers, s'efforçant, sous les regards de policiers blasés, d'entrer dans le bâtiment. Quelques privilégiés, sans que l'on sache pourquoi, étaient autorisés à passer par une porte latérale aussitôt refermée sur eux.

Impuissant, accablé, Ganançay regardait la bataille. Étranger, ne connaissant personne, s'exprimant difficilement, il savait qu'il ne pourrait jamais passer, que, dans ces circonstances, son passeport européen ne lui serait d'aucune utilité. Le chinois qui devait venir le chercher à l'hôtel l'avait abandonné. C'était sûr. Il avait dû trouver un moyen de partir. Ganançay essaya de se renseigner: «Un avion? Peut-être... Quand? On ne savait pas, aujourd'hui, demain, après demain, dans trois jours? Il y en aurait un, sûrement, militaire, civil... On ne savait pas... Il fallait des billets, une autorisation de partir? Où? On ne savait pas...» On commençait à le regarder étrangement. Il lui sembla entendre: «american, american...» Sans cesse la noria puante et pétaradante des touk-touks déposait de nouveaux arrivants. Quatre personnes, cinq parfois sautaient des sièges des petites motos hondas prévues pour trois passagers. Il n'avait pas l'impression d'être lâche mais se sentait bien seul. Un avion militaire surgit, survolant le quartier à basse altitude. Son ronronnement faisait trembler les vitres. Les visages se levèrent où l'on pouvait à la fois lire de l'espoir, de l'étonnement et de l'inquiétude. Mais l'avion s'éloigna rapidement, ne devint plus qu'un point brillant, un reflet orangé sur une hélice ou un hublot de la carlingue. Les conversations qui avaient cessé un instant reprirent de plus belle. Ganançay entendit parler d'un bureau en ville, du siège d'une compagnie d'aviation... Des coups de feu dans le lointain, plus proche une rafale de mitraillette. Une détonation retentit; une autre, une autre encore, plus faibles. Les motos-taxis sont prises d'assaut.

Publicité
Commentaires
Publicité
Derniers commentaires
Publicité