L'objet-livre

— Cet objet que l'on appelait livre est un peu difficile à expliquer, leurs pages n’étaient pas actives comme celles d’aujourd’hui. Un peu comme si tu gravais une surface de bois avec un couteau, la marque ne peut plus alors s’effacer et si tu veux graver autre chose, il faut changer de planche… Regarde, tu vois, la page 73, par exemple est un poème, A villa Alvear, la page 74 montre des Poèmes non repris dans l’édition de 1974 et commence par La plaine…

Interruption lecteur : 10:32:27. Instruction : continuer mais plus rapidement, fixer la longueur du texte à environ 10.000 signes. Suite : 10:32:45

— Alors, pour lire, il faut tourner les pages? C’est vraiment pas pratique, tu peux pas faire afficher automatiquement la suite, tu peux pas mémoriser le moment où tu arrêtes ta lecture?
— Non… comme tu vois, il n’y a rien de dynamique dans ce livre, c’est un objet mort, définitif. Il est comme il est, un point c’est tout. Puis il ajouta: Où l’as-tu trouvé?
Luisa désigna une ruine à l’autre bout de ce qui avait dû être une rue mais qui était maintenant comme une vague tranchée de graminées sauvages poussant sur le terreau du temps…