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Écrits de Marc Hodges
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1 mai 2006

Perte du plaisir de lire

Le plaisir de la découverte dura quelques temps. Puis s'estompa. Au bout de quelques jours, de quelques centaines de sentences, ma lecture n'étant plus aussi critique, le plaisir n'était plus aussi évident. Le nombre provoquait un effet de brouillage, comme un gavage de l'esprit qui sous les affichages divers ne lisait que l'unicité des formes. L'incroyable richesse des textes produits, capable, en quelques jours, de remplir des dizaines de recueils de pensées, parce que leur création désormais m'était sans mystère, m'apparut comme une pauvreté. Pire, je ne pouvais plus lire les auteurs que j'aimais sans déchiffrer, sous le texte, les règles. Il me semblait, parce que les sens divers provenaient d'un même programme, qu'ils n'avaient pas d'importance réelle, que toute chose dite l'était au même niveau d'indifférence. J'eus beau varier les figures, programmer d'autres tropes, imposer des formes intégrantes, multiplier les dictionnaires, cette impression désagréable ne disparut pas vraiment. Le plaisir de l'écriture relevait en partie de la naïveté de la démarche; parce qu'elle montrait les ficelles, trop de maîtrise interdisait de croire à la vie des pantins et jouer du détournement n'eut d'autre effet que de me gâcher Lautréamont.

Je me dis alors que cette amertume ne venait que d'un manque d'investissement dans le procédé. Ce que j'avais fait n'était pas «comment j'écris mes livres...» mais «comment ils écrivent leurs livres...». N'étant resté qu'au niveau de l'analyse, au mieux de la parodie, je ne m'étais pas réellement engagé dans une démarche d'écriture. Si j'éprouvais la satisfaction intellectuelle d'avoir démontré la justesse de mon approche théorique je ne pouvais, en aucune façon, ressentir l'emportement de la création... Aussi, je décidai d'aller plus loin: foin de modèles préétablis, je créerais moi— même les modèles. Ma maîtrise de l'algorithmique ayant évolué, je fixai trois tâches à ma portée, chacune destinée à vérifier une part de mes hypothèses. Parce que la prégnance des tropes tenait lieu de signification, je m'obligeai à produire du récit le moins marqué possible. Parce que l'abstraction analytique asséchait l'élan créateur, je m'imposai de produire du texte lyrique. Parce que l'interchangeabilité des termes dans l'univers des passions garantissait la vérité du dire, je me contraignis à ne parler que du concret, enserrer le monde possible de l'écriture dans les limites du monde réel descriptible.

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