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Écrits de Marc Hodges
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24 avril 2006

L'écriture et la technologie

Quand je regarde le point où je suis parvenu, quand je parle aujourd'hui de ces choses, il me semble qu'elles ont toujours été pour moi parfaitement claires, et l'on pourrait croire que ce me sont de très lointaines acquisitions de l'esprit, pourtant...

Depuis longtemps j'avais remarqué, dans l'écriture, la présence de deux instances — non pas séparées — de deux moments différents, s'interpénétrant de manière dialectique, mais relativement analysables... Dans le premier moment, celui qui concerne l'opération où l'on souhaite construire un monde, atteindre un but, mener une hypothèse, résoudre un problème, l'on s'attache à bâtir un système, dénouer des nœuds, défendre des propositions contre toute interprétation erronée, essayant d'anticiper — pour éviter l'égarement — les parcours offerts des innombrables lectures potentielles. Dans l'exaltation de la découverte, on idée le texte imaginé comme un métatexte détaché, parce qu'elles semblent aisément maîtrisables, de toutes les contingences concrètes du matériau verbal, un labyrinthe complexe de relations signifiantes en attente de parole. Dans le second moment, prisonnier de l'incipit, l'on tente, dans l'inquiétude et la difficulté, de mettre en scène ce rêve affrontant l'antécédence incontournable de la langue, défiant sa résistance physique, sa plasticité, contraint par sa matière, lié par ses réseaux d'association, ricochant sur ses réfractions infinies, s'efforçant, à tout moment, de maîtriser la trajectoire que l'on voulait suivre et de ne pas couler.

Aussi, lorsque l'évolution des technologies, le hasard des rencontres et ma curiosité professionnelle me mirent face à l'ordinateur, que je commençai à l'utiliser pour faciliter mon travail, que je découvris dans son emploi — bien plus que l'aide efficace attendue— une jouissance imprévue dans l'immédiate transformation dynamique et interactive des textes — une stimulation constante de l'imaginaire, cette coupure relative, de la démarche d'écriture, en deux moments partiellement descriptibles m'apparut préparer leur informatisation : il devait être possible de réserver à l'auteur la part génératrice du travail; d'abandonner à la machine la part méticuleuse. Dans l'éblouissement de cette révélation, je sus que j'avais gagné le gros lot le plus étourdissant. Je connus un moment d'exaltation intense et me mis à faire courir mes doigts sur le clavier comme si, sur mon vieux piano, sans crainte d'être jugé, je jouais des variations sur «Le roi Dagobert».

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