Ludovic
Quoi de plus ordinaire que de recevoir une lettre ?…
Mais nous ne contrôlons rien. Nos vies ne sont rien d’autre qu’une somme d’événements aléatoires... C’est ainsi… Au cours de nos brèves existences, nous ne faisons rien d’autre que nous efforcer à rapiécer — vaille que vaille — le tissu de nos destinées, lentement tissées des fils du hasard, de lambeaux informes que nous ramassons ça et là.
Ludovic a vécu. Quarante deux ans… sans la moindre impression de pouvoir piloter, ne serait-ce que marginalement cette vie dont le flot qui l’entraîne s’est accéléré depuis quelques temps de façon bizarre. D’un monde au cours d’une banalité tristement quotidienne, il se trouve soudain roulé dans un flot torrentiel, chaotique, où il n’a plus le temps de respirer. Le sentiment de ne pas pouvoir échapper à l'urgence du récit mais de devoir l’accélérer sans cesse génère l'impression d'être pris dans un cercle vicieux duquel il ne peut se libérer.
D'un ensemble aléatoire de faits observables, de ce qui n'est qu’indices partiels —ne rapportant nécessairement qu'une petite partie de son histoire — je ne peux cependant aujourd’hui que tirer une conclusion partiale tant ce qui s’est produit est invraisemblable. Si l'enchaînement de récits qui vont suivre, — chronique d'intersections aléatoires, de coups de chance, d'événements fortuits qui ne révèlent que leur propre manque d'intentionnalité — vous paraît illogique, attribuez cela au hasard, à l’aspect confus du monde… à l'arbitraire de ma mémoire.