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Écrits de Marc Hodges
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9 février 2006

Ne pas se fier aux apparences (Gilberte 12)

Arrivés au buffet, Don Juan s’empare de deux flûtes de champagne, en donne une à Carmen:

— Comprenez-vous l’urgence de la situation, dit-il en s’emparant d’une assiette de petits fours qu’il propose à Carmen.
— Elle ne semble pas trop vous inquiéter !
— Ne vous fiez pas aux apparences, sous la plus grande décontraction peut se dissimuler une inquiétude extrême. Je tiens à un certain nombre de valeurs et je crains fort…

Carmen ne lui laisse pas terminer sa phrase, elle éclate d’un rire sonore :

— Des valeurs ?

Il a posé l’assiette de petits fours, revient vers elle :

— Pourquoi riez-vous ? Vous moquez-vous de moi ?
— Je ne me moque pas de vous mais, dans ce terme, je ne reconnais pas les traits que vous attribue votre réputation.
— Ma réputation ?
— Votre réputation…
— N’écoutez pas ce que l’on dit de moi, j’ai beaucoup d’ennemis et…

Elle l’interrompt :

— C’est votre réputation qui m’intéresse… Si vous n’êtes pas à sa hauteur, vous ne m’intéressez pas.
— J’aime le combat…
— J’aime la victoire…
— Nous sommes faits pour nous entendre…
— Je ne crois pas, dans l’accumulation des combats vous ne cherchez que le nombre ; ce qui m’intéresse c’est le moment de la victoire, cet instant où l’on sent que tout fléchit devant vous et qui provoque une jouissance extrême. Je ne cherche pas le nombre, mais l’absolu… Lorsque je l’aurais atteint, le combat ne m’intéressera plus.

Autour d’eux, les très nombreux écrans qui animent les murs du foyer diffusent un incessant tourbillon d’images mouvantes: une enfant décharnée fixe sur la caméra des yeux immenses comme perdus dans le vide; de nombreux corps féminins sont emmêlés sur un très vaste lit circulaire ; des soldats se livrent à un corps à corps acharné; une fillette sage se promène, donnant la main à sa mère (elle ressemble vaguement à Carmen); sur une barque à l'étrave très haute peinte en vert, un jeune garçon d'environ huit ans, très musclé pour son âge, sourit au soleil; un autre enfant aux yeux dévorés de mouches regarde la caméra; des ouvriers en grève des régions du nord défilent dans les rues détruisant sur leur passage tous les magasins de la ville ; des hordes de pitbulls enragés occupent les rues… Réalité et imaginaire, faits et fantasmes, tout se confond dans un total désordre.

Depuis quelques jours, d'innombrables faits étranges énervent la communauté, des ragots courent les salons, encombrent les conversations. Il se dit que des bandes armées sillonnent la ville, pillent tout ce qu'elles trouvent, violent tous ceux qu'elles rencontrent. On parle partout d'attentats, de troubles. Certains suggèrent même des massacres… Parfois, la nuit, se font entendre des bruits de fusillades. Chaque jour apporte avec lui sa chaîne déconcertante de drames. La ville entière tremble, les habitants se cachent, la nourriture commence à manquer… L'armée elle même ne semble plus très sûre. Un peu partout sur cette terre, la guerre fait rage. Les événements relatés, ceux qu’ils ont été amenés à vivre, s’emboîtent les uns dans les autres comme pièces d’un puzzle, comme si chacun de leurs gestes, chacune de leurs pensées dépendait d’un monde qu’ils voudraient extérieur mais qui agit malgré eux sur eux, et sur lequel, à leur façon, ils agissent également.

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