Une lettre
Le seul texte de Marc Pérignon (signé Marc Hodges) publié dans un grand journal quotidien commence ainsi:
«Quoi de plus ordinaire que de recevoir une lettre ?…
Mais
nous ne contrôlons rien. Nos vies ne sont rien d’autre qu’une somme
d’événements aléatoires... C’est ainsi… Au cours de nos brèves
existences, nous ne faisons rien d’autre que nous efforcer à rapiécer —
vaille que vaille — le tissu de nos destinées, lentement tissées des
fils du hasard, de lambeaux informes que nous ramassons ça et là.
Ludovic
a vécu. Quarante deux ans… sans la moindre impression de pouvoir
piloter, ne serait-ce que marginalement cette vie dont le flot qui
l’entraîne s’est accéléré depuis quelques temps de façon bizarre. D’un
monde au cours d’une banalité tristement quotidienne, il se trouve
soudain roulé dans un flot torrentiel, chaotique, où il n’a plus le
temps de respirer. Le sentiment de ne pas pouvoir échapper à l'urgence
du récit mais de devoir l’accélérer sans cesse génère l'impression
d'être pris dans un cercle vicieux duquel il ne peut se libérer.
D'un
ensemble aléatoire de faits observables, de ce qui n'est qu’indices
partiels — ne rapportant nécessairement qu'une petite partie de
son histoire — je ne peux cependant aujourd’hui que tirer une
conclusion partiale tant ce qui s’est produit est invraisemblable. Si
l'enchaînement de récits qui vont suivre, — chronique d'intersections
aléatoires, de coups de chance, d'événements fortuits qui ne révèlent
que leur propre manque d'intentionnalité — vous paraît illogique,
attribuez cela au hasard, à l’aspect confus du monde… à l'arbitraire de
ma mémoire.»
Ce récit, intitulé bizarrement Lettre-Néant
raconte un épisode de la vie d’un certain Ludovic qui me semble, en
fait, ressembler d’assez près à des épisodes de la vie de Marc Pérignon
tels qu’il me les a lui-même rapportés.