Psychologie de Carmen
Carmen est dans une période de vacuité, elle s’ennuie, ne sait vers quoi orienter ses pensées. Le temps passe et passe et s'arrête et passe et l'histoire s'arrête et le visage des choses change, (son cœur est triste jusqu'à la nausée d'inquiétude et d’incertitude). Malgré le pouvoir qu’elle exerce sur tous les hommes, elle pense que le monde continuera perpétuellement à lui échapper, elle mène en effet entre ses amours une vie si fragmentée que même si elle ne perçoit pas d’autre lien entre deux amours que celui du désir sensuel, elle tente sans cesse de trouver une signification à leur coïncidence. Tout lui est signe et présage: il lui faudrait faire quelque chose ; difficile en effet d'admettre que des changements aussi attendus en viennent à modifier le goût, la saveur même de l'air qu'elle respire… à faire battre son sang plus vite… Bien qu'elle ait une idée très précise de ce que devraient être ses passions, elle s’est souvent trouvé confrontée à des envies de renoncement, parfois même de suicide. Elle est malheureuse, près du désespoir. Ses amours avec le brigadier s’étirent dans de longues vagues velléitaires sans suites qu’ils sont les seuls à subir. Quel signe restera-t-il un jour de leurs résignations et de leurs habitudes ? Carmen a élaboré des rêves d'enfants qui n’auraient demandé qu'à devenir actifs, attend la venue de quelque chose d'autre, prend peu à peu ses distances, se dit que le temps va s'étirer encore et encore qu’il n’y a aucune raison que cela cesse, que le monde sera ce qu’il est parce qu’il n’est pas de raison profonde qu’il soit autrement. Elle traverse la vie comme la salle du salon cherchant dans les regards à la fois des interrogations muettes et les réponses à ces interrogations. Son esprit vagabonde ainsi d’un moment à l’autre, d’un visage à un souvenir, d’une saveur à un moment, d’une couleur à une autre beaucoup plus ancienne… d’un souvenir à l’autre. Elle est à la recherche de quelque chose d’autre, d’un autre homme à qui se donner totalement et qui saurait s’abandonner sans réserve. Elle désire la passion totale, celle qui triomphe de la mort ou s’y abandonne.