L'être amoureux
Je passe sur les détails: nous avons
bu un café. Elle m’a quitté pour aller à son école. Nous avons échangé
nos adresses et nos numéros de téléphone. Je suis rentré dans ma petite
maison où j’ai essayé de travailler un peu mais j’étais si exalté que
je n’y suis pas parvenu et quand je me suis décidé à me coucher, je ne
me suis endormi qu’au petit jour. Dans un flot chaotique de pensées qui
secouaient mon esprit en tous sens, son âme sombra enfin dans un rêve
fantastique: un fleuve bleu et profond scintillait à travers une verte
plaine. Sur la surface unie, flottait une barque où Gilberte ramait,
coiffée d’un béret à fleurs. Elle chantait une romance naïve et fixait
sur lui un regard plein d’une douceur mélancolique…»
Tout était
de cet acabit, romantique, ridiculement sentimental… mais lorsque, en
fin de matinée, je me suis éveillé, j’étais en sueur, les draps autour
de moi, froissés, presque noués, témoignaient de l’agitation qui avait
été la mienne. Je ne pouvais penser à rien d’autre qu’à Gilberte : il
fallait bien me rendre à l’évidence, comme un adolescent ébloui,
j’étais amoureux comme je ne l’avais jamais été.