Des textes érotiques
Sur cette version «imprimée» sont barrés : les mots ou expressions : « pour », « completação », « coze », « accarezzano », « mani », « faire » « ce confini d’ », « dispendiosa », « de son petit corps », « qu’elle est la lettre ». Les expressions barrées « Pour », « de son petit corps », ne sont remplacées par rien. Le mot « completação » est d’abord remplacé par « complètement » puis par « complément » ; le mot « coze » est remplacé par « corps » ; « accarezzano » est remplacé par « caresser » puis par « caresse » puis enfin par « caresses’ ; « mani » est remplacé par « manies », puis par « manipulations », puis par « manigances » puis enfin par « mains » ; « ce confini d’ » est remplacé d’abord par « ces confins » puis par « frontière », ce qui amène le féminin de l’adjectif « enamourée » ; « dispendiosas » est remplacé par « dépenses » ; « qu’elle est la lettre » est d’abord « quelle est la lettre » puis « quelle est cette lettre » puis « cette lettre », puis « c’est la lettre », enfin « quelle lettre ! » ; la parenthèse encadrant « complément diminué » est supprimée ; Un point est ajouté entre « lignes » et « Ils ont » ; « faire » est ajouté entre « doivent » et « cela ».
Le même travail alternatif de
griffonnage et de poudroiement se produisant ainsi tout au long des
feuillets, cet ensemble important de modifications montre un réel
travail de réécriture que l’on retrouve sur l’ensemble des feuilles
intercalaires sans qu’il soit possible d’en dater les étapes
successives. Il s’agit à l’évidence d’un travail volontaire parvenant à
un état achevé. Pour autant jamais, aucun des feuillets ne présente un
sens clair, traductible, ni ne semble en relation avec le poème
érotique auquel il fait face.
Enfin une dernière feuille de nature
différente (papier pur chiffon 80 g beige clair), entièrement
manuscrite, ferme l’ouvrage. Elle porte l’inscription suivante :
«
Exemplaire 03331313031 dédié à Claudette B. afin, qu’à plusieurs mains,
elle le lise en son locus solus ce clapet bleu qui date »
Cette
dédicace est signée. Mise sous un texte écrit de sa main, la signature
de Hodges ne peut que constituer un engagement formel auquel il
comptait faire aveuglément honneur.
Sous la dédicace enfin figure une spirale qui, en partant du centre, répartit circulairement, comme sur les six branches d’une étoile, les chiffres et lettres suivants : 123450abcdefghijklmnopqrstuvwxyz. Une branche contenait ainsi « 1agmsy », la suivante « 2bhntz », etc. Une analyse rapide montre qu’il s’agit d’une correspondance circulaire chiffres-lettres inscrits sur la spirale dans un ordre mathématique ou alphabétique croissant.
Le « numéro » de l’exemplaire est, quant à lui, un mystère puisque l’ouvrage a été limité à 200 exemplaires.
Il est cependant avéré par de nombreux témoignages enregistrés alors que la génération automatique ou les simples jeux mathématiques utilisés au début de la littinfo fascinaient les écrivains. Deux exemples parmi d’autres, Raymond Queneau avait, en 1961, publié chez l’éditeur Gallimard un recueil de sonnet intitulé « Cent mille milliards de poèmes » et il est attesté ici ou là que Hodges lui-même avait créé un roman génératif intitulé « Un roman inachevé » (circa 1995) qui devait s’autodétruire après l’écriture de sa trois cent millième page. Ce nombre est peut-être ainsi une allusion aux possibilités génératives du générateur de « Poèmes érotiques » dont nous ne pouvons plus, hélas, vérifier le fonctionnement. »